Le 4 mars sur France 3, le maire d’Angoulême Xavier Bonnefont, disait :

« Il y avait très peu de pistes cyclables quand je suis arrivé aux affaires ici à Angoulême. […] Six ans après il y en a près de 4 kilomètres, sans compter celles qui ont été faites dans le cadre du réseau BHNS et du transport public. »

Nous nous proposons de profiter des élections municipales et de la publication du Baromètre des villes cyclables pour aller plus loin et faire un petit bilan de ce qui a été fait lors de ce mandat, de le confronter au ressenti des usagers du vélo à Angoulême et d’analyser le programme des différentes listes.

Aménagements

Bandes et pistes cyclables

Depuis 1996, la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) stipule que :

À l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu’il existe.

Dans la réalité, cette loi est rarement appliquée, ce qui explique le faible nombre d’itinéraires cyclables présents sur des voiries qui ont été refaites depuis 1996.

À Angoulême avant 2014, il existait 8 km de pistes et bandes cyclables, et 1,5 km de voie verte. Entre 2014 et 2020, 8 km supplémentaires de pistes et bandes cyclables ont été réalisés, dont 5,1 km par GrandAngoulême dans le cadre des travaux du BHNS et du Pôle Multimodale de la gare. Donc seulement 2,9 km par la ville d’Angoulême.

NB : Certaines rues n’ont été aménagées que d’un côté (bande cyclable montante). Nous les avons donc comptées comme des rues 1/2 aménagées, donc divisé par 2 la longueur réalisée. Il s’agit de portions de la rue de Bordeaux et de la rue de Saint Roch à Lunesse.

NB2 : une bande cyclable a été supprimée rue de Périgueux. Nous l’avons comptée en négatif.

Doubles-sens cyclables

Les double-sens cyclables autorisent les cyclistes à emprunter les voies à sens unique dans le sens inverse de la circulation. Depuis 2008 (complété en 2016), ils sont obligatoires dans toutes les zone de rencontres et zone 30. Le projet de loi d’orientation des mobilités prévoit qu’ils soient également obligatoires dans toutes les rues limitées à 50 km/h. Très peu coûteux, ils ne nécessitent que quelques panneaux de signalisation, et parfois de créer des zones de refuge en supprimant une place de stationnement de temps en temps.

À Angoulême, les double-sens cyclables sont encore anecdotiques : 2 rues en 2014, 6 en 2019. Aujourd’hui moins de 5% des voies à sens unique sont équipées d’un double-sens cyclables. Le passage en double-sens cyclable de toutes les rues à sens unique d’Angoulême représenterait 47 kilomètres de voirie aménagée pour les cyclistes.

Stationnements

De nombreux arceaux ont été installés ces dernières années, au fil des demandes des riverains ou des associations de défense des cyclistes. Mais un certains nombre ne sont pas indiqués comme tels (seulement 10 panneaux sur 66 parkings début 2019), et aucune carte de la Ville ne les référence (on trouve une liste de 14 parkings vélo sur le site de la mairie). Il est donc difficile de les localiser, d’autant qu’ils sont souvent cachés par des voitures en stationnements, ou utilisés par les 2 roues motorisés.

Malgré les efforts des services de la ville, la demande en stationnement reste grande, et les demandes sont nombreuses aux abords des écoles et des lieux publics.

Cédez-le-passage cycliste

Le cédez-le-passage cycliste donne la possibilité aux cyclistes, à un feu de circulation, de continuer leur route alors même que le feu est rouge, après avoir cédé le passage à tous les autres usagers. Présent dans le code de la route depuis 2012, il est arrivé à Angoulême en 2016. 17 carrefours ont été équipés, avec une bonne communication par la Ville (presse, site internet de la mairie).

Angoulême: les cyclistes peuvent passer au rouge

Sas vélo

Bien qu’ils existent dans le code de la route depuis 2001, les premiers ne sont apparus à Angoulême qu’en 2019 au carrefour Barrouilhet. Ils sont maintenant obligatoires sur tous les nouveaux carrefours à feu, mais les travaux du BHNS ne l’ont pas encore intégré. Aucune communication en direction des automobilistes (ni des cyclistes) n’a été effectuée, et ils ne sont pas toujours respectés.

Schéma des itinéraires

Sur la ville d’Angoulême, certaines voies ont été désignées pour être aménagées en priorité afin de relier facilement toute la ville et les communes voisines. Elles sont référencées dans un Schéma Cyclable d’Agglomération qui a été voté par GrandAngoulême et Angoulême en 2016.

Sa réalisation est passée de 26% à 55% entre 2014 et 2020 (aujourd’hui 13,8 km sont aménagés sur les 25,4 km prévus). Sur cette période, GrandAngoulême en a réalisé deux fois plus qu’Angoulême, via l’aménagement du parvis de la gare ou les travaux du BHNS.

Il n’existe pas aujourd’hui de plan vélo pour la ville d’Angoulême.

Services

La Ville d’Angoulême ne propose pas de services aux cyclistes, que ce soit pour la réparation de vélos, l’apprentissage du vélo ou la location (le service de location longue durée Mobilicycle est géré par GrandAngoulême). Néanmoins elle soutient financièrement la Cyclofficine pour ses actions dans la ville.

Il faut également signaler le service d’Allô Mairie qui se révèle bien pratique pour signaler nids de poule, carrefours dangereux ou manque d’aménagements!

Le ressenti des cyclistes

Angoulême gagnée par la grande vague du vélo urbain, titrait la Charente Libre en septembre 2019. Plus de cyclistes, oui sûrement, mais dans quelles conditions roulent-ielles?

L’exemple de la rue de Bordeaux au carrefour Barrouilhet

Lors de la première édition du baromètre des villes cyclables, en 2017, l’endroit le plus problématique pour les cyclistes (question ouverte) était la rue de Bordeaux, loin devant le centre-ville et le rond-point de Girac. En effet cette axe très passant d’Angoulême, en plus d’être fréquemment emprunté par les cyclistes pour se rendre à la gare, dans les différentes écoles de l’image ou au centre-ville, était en mauvais état et sans aucun aménagement cyclable ni dispositif pour ralentir la vitesse des véhicules.

La partie sud de la rue de Bordeaux, entre le séminaire et Girac, a été aménagée grâce aux travaux du BHNS, mais est globalement critiquée par les cyclistes qui lui reprochent d’alterner les pistes (sur trottoir) et bandes (sur route) et d’avoir un revêtement désagréable.

La partie nord, en particulier au niveau du CIBDI, était très dégradée, avec des nids de poule qui obligeaient à rouler au milieu de la chaussée. La Ville a donc refait la chaussée en août 2018 – non pour la sécurité des cyclistes, mais pour le confort des bus et des automobilistes – mais sans y inclure d’aménagements cyclables. Ce sont les cyclistes qui ont dû insister lourdement pour que leur demande soit entendue et qu’y soit réalisée une bande cyclable. Ils n’ont qu’à moitié été entendus : il n’y a qu’une bande dans le sens montant et la vitesse n’a pas été abaissée là où elle est absente.

La circulation et le stationnement automobiles sont prioritaires dans la tête des élu·es, et les travaux se font donc dans cet esprit, au détriment des modes de transports actifs.

Sud Ouest, juillet 2014 : « Nous sommes dans le flou », confirme Véronique de Maillard, adjointe à la vie quotidienne et aux travaux. « Une fois Mobilix revu, on fera des choix entre le stationnement des voitures et le vélo. Des pistes ou bandes cyclables seront installées dès que ce sera possible »

Le baromètre des villes cyclables 2019

En 2019, 141 cyclistes ont répondu à l’enquête de la Fédération des Usagers de la Bicyclette à propos de leur ressenti à Angoulême.

Resume

Quelques explications.

Points forts :

  • les conflits cyclistes/piétons sont rares : normal, il existe peu de pistes cyclables sur lesquelles les piétons pourraient s’égarer. On tempérera cependant avec le cas de la rue Hergé, rue piétonne qui autorise le vélo à l’allure du piéton, très utilisée par les cyclistes à une vitesse parfois excessive aux yeux des piétons.
  • les magasins de réparation vélo sont présents : le seul magasin de vélo qui puisse réparer un vélo de ville sur Angoulême à fermé en 2020. Pour réparer son vélo, il faut donc en réalité sortir d’Angoulême, mais alors les offres sont assez nombreuses. La présence de la Cyclofficine est également à prendre en compte dans ce ressenti.
  • la location de vélos est facile : c’est le cas pour la location de longue durée, grâce à Mobilicycle. Il n’existe cependant sur Angoulême aucun service, public ou privé, de location de courte durée.
  • les vols de vélos sont rares : logique, moins la pratique du vélo est développée, moins il est tentant de les voler! Profitons-en!

Points faibles :

  • le stationnement vélo en gare et arrêts de transports en commun : entre 2017 et 2019, le parking vélo sécurisé mis en place à la gare a été enlevé le temps des travaux de la passerelle. Seuls quelques arceaux ont été ajoutés tardivement pour compenser ce service.
  • l’entretien des itinéraires cyclables : les quelques pistes en services vieillissent et sont en mauvaise état, les arbres qui les bordent ne sont pas taillés (boulevard de Bigorre, boulevard Jean Monnet).
  • le stationnement des véhicules sur les itinéraires cyclables : les nouvelles pistes et bandes nécessitent un temps d’adaptation des riverain·es, qui ne comprennent pas immédiatement qu’illes ne peuvent plus stationner devant leur maison. La situation devrait s’améliorer avec l’habitude.
  • les double-sens cyclables généralisés : c’est un gros point faible de la ville, qui possède de nombreuses rues en sens uniques qui n’ont pas été aménagées
  • la ville est à l’écoute des cyclistes : …

Les commentaires libres donnent aussi quelques indications sur le ressenti et les attentes des cyclistes.

Commençons par les points négatifs :

  • un manque de services vélo (23 commentaires) : peu d’arceaux et parkings sécurisés accessibles facilement, pas de service de location de courte durée, peu d’infrastructures cyclables, pas de liens avec les communes limitrophes, un temps d’attente pour la location trop long
  • des infrastructures mal conçues (23 commentaires) : un manque de signalisation et de concertation avec les usagers, un revêtement pas confortable, des insertions dangereuses, des pistes courtes avec trop de retours sur la route, des pistes mal conçues, mal sécurisées et pas éclairées
  • des incivilités de la part des autres usagers (10 commentaires) : une vitesse élevée, des véhicules très peu tolérants voire méprisants, des insultes fréquentes, du stationnement sur les pistes, sur les trottoirs et un non-respect du stationnement alterné
  • une ville compliquée pour le vélo (22 commentaires) : des ronds-points accidentogènes, des rues étroites, des nids de poule, un relief important, un ressenti de danger et de stress
  • un manque de volonté politique de développer le vélo (25 commentaires) : une priorité donnée à la voiture et au stationnement, peu d’évolution, un PDU non appliqué, pas de continuité des itinéraires, des pistes pas entretenues, un investissement de la ville presque inexistant, pas de vision à moyen terme, un manque de connaissances vélo des élus et techniciens, des changements peu cohérents

Les ressentis positifs sont tout de même présents (17 commentaires) : un tête arrive le développement du VAE, qui permet de vaincre le relief et les distance, et le développement de l’usage du vélo, puis viennent des rues piétonnes sures, de nouveaux itinéraires et un aménagement en progression, un effort fait par les collectivités, un vrai potentiel avec des zones remarquables, certains collaborateurs du maire plus sensibilisés.

Une note d’espoir tout de même : timidement, la municipalité commence à remettre en question le tout voiture, comme le note sur son blog Olivier Razemon, journaliste du Monde, en avril 2019 :

À Angoulême, une municipalité qui s’est distinguée par une politique très favorable à la voiture à son arrivée en 2014, « on commence à voir des commerçants qui nous demandent de piétoniser certains quartiers », témoigne Véronique de Maillard, adjointe aux travaux et à la vie quotidienne. Cette évolution fait suite à la piétonisation du centre-ville lors du festival de bande dessinée, afin d’intégrer le risque d’attentat à la voiture bélier. « Ils se sont rendus compte que ce n’était pas la voiture qui apportait le plus de clients », précise l’élue.

Une position reprise en mai 2019 dans la Charente Libre :

La Ville veut expérimenter une journée sans voiture sur le Plateau. « La piétonnisation de la Ville est une demande croissante des Angoumoisins et de certains commerçants, atteste Véronique de Maillard, adjointe en charge de la vie quotidienne. On partirait sur un samedi “test”. Mais cela demande encore une concertation, notamment avec la Société de transport du GrandAngoulême (STGA). »

Perspectives

L’association Vélocité de l’Angoumois a sollicité les différent·es candidat·es d’Angoulême sur le thème du déplacement à vélo.

Nous nous sommes mobilisés pour rencontrer les candidats aux élections municipales. À partir d’un document support construit en interne, nous avons abordé les thématiques du cadre de vie, écologie, mobilité. Les résultats sont présentés de façon très synthétique avec une évaluation globale développement durable-mobilité.

Voici leur analyse :

Xavier Bonnefont (Peu d’espoir pour le vélo)

Cadre de vie : Accompagnements financiers des nouveaux commerçants, réhabilitation de certains quartiers prioritaires et travail sur la mixité sociale. Priorité sur la culture et le sport.
Écologie énergie : Renforcement de l’isolation des bâtiments scolaires, panneaux photovoltaïques sur les bâtiments, passage à de l’éclairage LED pour 7 M€. Passage au chauffage à bois de certains bâtiments.
Mobilité : Doublement du budget voirie mais pas d’objectif de voie piétonne et cyclable. Pas de réponse à la réduction de la place de la voiture en ville. Construction de plusieurs centaines de places de parkings voitures. Renforcement du transport public.

Françoise Coutant (Beaucoup d’espoir pour le vélo)

Méthodologie de l’expérimentation qui permet de mieux faire accepter les changements et de mieux les adapter.
Cadre de vie : Apaiser la ville en généralisant les zones de rencontres et les zones 30. Décourager les flux traversiers de circulation. Suppression de plusieurs parkings de surface. Réduire les accès voitures en particulier près des écoles. Mise en place de comités citoyens.
Écologie énergie : Objectif de réduire de 20% les émissions de CO² sur 6 ans, en particulier via l’isolation des bâtiments publics et le transport.
Mobilité : Signalétique généralisée des temps de déplacement piétons et vélo pour guider le public. Implantation d’un funiculaire pour faciliter l’accès au plateau à partir de parkings externes.

Martine Pinville (De l’espoir pour le vélo)

Cadre de vie : Revitaliser les quartiers, réhabiliter les friches, arrêter l’extension des nouvelles zones commerciales, organiser de multiples événements annuels. Éveil à la culture dans les écoles, tiers lieux d’exposition et de rencontre, création de maisons de services. Renforcer la propreté de la ville.
Écologie énergie : Rien de porté à notre connaissance.
Mobilité : Redonner l’accès aux piétons et aux cyclistes.