Cet article est largement commun avec un blog personnel (celui-ci). Au moment où il a été rédigé (fin mars 2020) les Français sont, comme beaucoup d’autres citoyens dans le monde, confinés chez eux par les mesures de sécurité liées à l’épidémie du Covid-19. Autant écrire exceptionnellement sur des sujets de fond…

De plus, à titre personnel, mon récent engagement dans la campagne électorale municipale à Istres (ma liste a été sèchement battue) m’a montré que, hors d’un petit milieu militant, les citoyens sous-estiment le changement climatique à venir et le bouleversement de société que nous allons devoir affronter (et qu’il serait plus que pertinent d’anticiper !). La simple suppression d’une course automobile annuelle, que j’ai finalement réussi à inscrire dans le programme de la liste dont je faisais partie, a donné lieu à des discussions au sein de l’équipe que je n’aurais pas imaginées. Un modeste article de blog sur le thème du réchauffement climatique ne peut pas faire de mal…

Et comme le vélo utile est un moyen modeste mais réel de limiter nos émissions de Gaz à Effet de Serre en gardant une bonne mobilité locale, cet article a amplement sa place dans ce blog.

Les évolutions du climat et de l’atmosphère terrestre sur le (très) long terme

Balade Mentale est une chaîne Youtube de grande qualité. L’épisode ci-dessous, où la longue histoire de la Terre est résumée en 25 minutes denses, montre bien l’instabilité de l’ atmosphère et du climat. La capacité de certaines formes vivantes (après l’apparition tardive de la vie) à modifier la composition de la biosphère est bien souligné…

On notera que la terre a attendu l’apparition des cyanobactéries (tant craintes aujourd’hui…) pour avoir de l’oxygène. Le gaz carbonique (CO2) a précédé l’oxygène dans l’atmosphère terrestre…

Le gaz carbonique dans l’atmosphère au cours des temps plus ou moins anciens

Dans l’histoire longue de la Terre, nous ne sommes qu’une espèce ultradominante après bien d’autres. Et comme d’autres espèces avant nous, nous modifions l’atmosphère et notamment son taux de gaz carbonique (CO2).

On a pu mesurer que depuis plusieurs millénaires et jusqu’au début du XIXe siècle, le taux de CO2 était stable à 250 ppmv (soit 0,025 %). Ce taux, désormais de 410 ppmv, augmente vite et même de plus en plus vite.

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Ce taux a connu de bien plus amples variations dans l’histoire longue de la Terre. Au Dévonien et au Carbonifère (périodes géologiques allant de -420 à -300 millions d’années) par ex, on considère qu’il aurait baissé de 2200 ppmv env à 400 ppmv. L’explication en serait que les conifères et fougères, plantes dominantes à cette époque, qui comme toutes les plantes puisaient leur carbone dans le gaz carbonique de l’air, n’étaient pas bio-dégradés une fois morts, mais simplement enfouis peu à peu. C’est une explication crédible (à mon humble avis) due au fait que l’essentiel du charbon terrestre date de cette époque lointaine. À la fin du cette époque géologique des champignons xylophages seraient apparus, le bois mort ne se serait plus accumulé, le taux de gaz carbonique de l’air aurait été ainsi stabilisé (et les plantes ont pu continuer à exister mais le charbon a cessé d’être formé).

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Les périodes du Dévonien et du Carbonifère correspondent à une baisse de la température moyenne. Celle-ci serait passée d’environ 30°C de température moyenne (pas de glace aux pôles ni nulle part, de grandes zones arides…) à env 20°C. Par contre on peut noter que la baisse du CO2 et des température a pris des millions d’années, et que la vie a pu s’adapter…

Un lien entre composition de l’atmosphère et effet de serre connu depuis longtemps

Dès le XIXe siècle des physiciens ont étudié comment les gaz réagissaient aux rayons lumineux :

  • l’ozone (O3) arrête les rayons UV (ultra-violets : moins de 380 nm de longueur d’onde) et c’est parce qu’il y a de l’ozone en haute atmosphère que la vie a pu se développer hors des océans
  • les gaz en général laissent totalement passer la lumière visible (380-780 nm de longueur d’onde) ce qui fait que la lumière du soleil atteint la surface de la Terre ou qu’on voit les étoiles la nuit,
  • les gaz composés d’au moins 2 types d’atomes différents (dits polyatomiques), comme le gaz carbonique (CO2) , le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) ou même l’eau (H2O) captent (partiellement) les rayons IR (infrarouges : + de 780 nm de longueur d’onde), alors que les gaz monoatomiques comme l’oxygène O2 ou l’azote N2 y sont totalement transparents.

Ces caractéristiques ont permis notamment de construire des instruments de mesure des gaz polyatomiques.

De plus un autre phénomène physique connu depuis très longtemps est qu’un corps chaud rayonne, et que plus il est chaud, plus la lumière émise ira de l’Infrarouge vers le visible et vers l’UV. La Terre, d’une température moyenne de 15°C (actuellement…), rayonne dans l’infrarouge.

La conclusion de cette partie est que plus l’atmosphère sera riche en gaz polyatomiques (CO2, CH4, N2O, H2O …) plus les rayons IR rayonnés par la surface de la Terre auront tendance à être captés par l’atmosphère et ne pas repartir vers l’espace. La Terre gardera cette énergie et s’échauffera : la température moyenne de la surface de la Terre augmentera par « effet de serre ».

À noter que le méthane (CH4) arrête 30 fois plus les infrarouges que le CO2 et le protoxyde d’azote (N2O) 300 fois plus. Même si le CO2 est beaucoup plus présent et est responsable de l’essentiel de l’effet de serre, les augmentations des taux de méthane et de protoxyde d’azote (que nous émettons également) doivent être pris en compte, et d’autres encore…

Toutes les mesures faites depuis plusieurs décennies montrent une augmentation de la température moyenne en basse atmosphère (et une baisse ou stabilité en haute atmosphère) ce qui prouve l’augmentation de l’effet de serre de l’atmosphère.

Un retard de 20 à 50 ans entre la hausse des GES et celle de la température

Depuis plusieurs centaines de milliers d’années, la température moyenne terrestre et le taux de CO2 dans l’atmosphère sont liés au rayonnement solaire, mais il y a un retard entre les deux selon le sens de la variation :

  • si la terre reçoit moins de rayonnement solaire (ce qui arrive à échelle de 100 000 ans), la température baisse et le taux de CO2 baisse finalement avec un retard de plusieurs centaines d’années (800 ans).
  • Si c’est le contraire, le taux de CO2 augmente alors puis la température suit avec un retard plus petit, de l’ordre de 20 à 50 ans (du fait de l’inertie due à l’océan qui met du temps à chauffer, la glace à fondre…)

Selon cette hypothèse que je crois juste, les gaz à effet de serre (abrégés GES, les principaux sont CO2, CH4 et N2O) que nous avons DÉJÀ émis dans l’atmosphère nous mènent à une augmentation de 1,5°C, mais nous ne le sentons pas encore, la température moyenne n’a pour l’instant augmenté que de 0,5°C en moyenne (mais plutôt 1°C depuis un siècle). Et déjà les canicules se multiplient en été (2018, 2019…) avec les mortalités et les mauvaises récoltes qui vont avec. Le pire est pourtant à venir. Et plus on tardera à réagir, plus on aura mal (ou plutôt nos enfants).

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Si on voulait limiter le réchauffement à 2°C, il faudrait diviser par 3 AUJOURD’HUI les émissions MONDIALES de GES. L’accord de Paris, signé par de nombreux pays en 2015 en vue de limiter le réchauffement final à 2°C, est un engagement à une courbe du type suivant pour les émissions de CO2:

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Cette courbe indique que, dans le monde, nous émettons chaque année 40 milliards de tonnes de CO2 (76 000 t par seconde quand même…), et la tendance est, comme on le voit, à la hausse. L’accord de Paris est un engagement (non contraignant…) à faire tomber à 12 ou 15 milliards de tonnes (au lieu de 0 sur la courbe ci-dessus) cette production de CO2 en 2040, ou 2055 au plus tard. À ce seul prix, on limitera le réchauffement à 2°C. J’avoue ne pas y croire… Tout porte à croire au contraire qu’on atteindra à terme + 4 ou + 5°C, et seulement dans la douleur (crises, guerres, migrations massives…)

L’épidémie actuelle liée au Covid-19 a sérieusement freiné l’économie de nombreux pays, au point que le ciel chinois et l’eau des canaux de Venise soient redevenu clairs. Il y aura une décroissance notable du PIB mondial cette année et du niveau de vie de beaucoup de gens (dans la douleur pour beaucoup qui vont perdre leur emploi ou plus) mais au moins une baisse des émissions de GES. On ne peut qu’espérer qu’il en reste quelques bonnes habitudes après la crise.

C’est quoi + 5°C (passer de 15°C à 20°C de température moyenne) ?

On n’a pas d’exemple « récent » de climat à + 5°C, par contre on sait ce que donnerait – 5°C (c’est à dire une température moyenne mondiale de 10°C) parce que c’était la température moyenne de la Terre il y a 20 000 ans, quand la dernière période glacière battait encore son plein. L’Europe et ses biotopes ressemblaient alors à la carte ci-dessous. le niveau des mers était situé 120 m + bas à cause des énormes glaciers couvrant les pôles, le nord de l’Amérique et de toute l’Eurasie.

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Les pingouins de la grotte Cosquer ont été les témoins du climat de cette époque.

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+ 5°C par rapport à aujourd’hui signifie clairement à terme la disparition de la glace du Groenland et de l’Antarctique. Cette disparition mettra un certain temps mais elle arrivera. Si on ajoute la dilatation de tous les océans, le niveau de toutes les mers du monde sera plus haut qu’aujourd’hui que sans doute de plusieurs dizaines de mètres. On considère

  • que le niveau des mers s’est élevé de 20 cm depuis 1900 et qu’il monte de 3mm par an actuellement
  • qu’il atteindra 2,5m à la stabilité à + 2°C (en l’an 2100 ?)
  • je n’ai pas trouvé quelle hauteur on peut prévoir à + 5°C…

D’autre part il fera beaucoup, beaucoup plus chaud, notamment chez nous… Les canicules qui atteignent actuellement 40°C atteindront 45°C voire 50°C… Il risque de ne pas neiger souvent sur les Alpes…

Climat plus chaud et plus sec sur la Méditerranée

Selon les modèles auxquels je crois, l’air qui monte au niveau de l’équateur y perd son humidité (il pleut beaucoup sur l’équateur) et retombe actuellement au niveau des tropiques, en s’asséchant avant de repartir en basse atmosphère vers l’équateur. Ce modèle explique que les pays actuellement situés au niveau des tropiques soient très secs. En Afrique du Nord, c’est le désert du Sahara actuel…

  • si le climat se refroidit, la « pompe équatorienne » est moins forte, la ligne où descend l’air sec se rapproche de l’équateur. Ceci explique que le Sahara n’était pas un désert il y a 10 000 ans et qu’il le soit devenu depuis.
  • si le climat s’échauffe, la « pompe équatorienne » sera plus forte et la « ligne sèche » se déplacera vers le nord, c’est à dire vers la méditerranée en ce qui nous concerne. Le climat très chaud et sec du Sahara va monter au nord et nous rattraper… Les bords de la méditerranée ressembleront sans doute aux bords de la mer rouge

Les images du Paris « sahélien » du film Peut-Être (1999) ont sans doute un côté prophétique…

C’était une vision onirique, mais peut-être (!) regarderons nous ce film autrement à l’avenir…

Conclusion : Que faire ?

C’est clair, les jeunes générations vont se prendre un mur, et les suivantes ce sera pire.

Plus on limitera les GES plus on freinera avant de se prendre le mur (qu’on se prendra de toutes façons désormais) et on s’écartera du pire scénario catastrophe décrit plus haut. Pour cela, au niveau individuel on peut (et on doit!)

  • manger moins de viande, notamment de bœuf à viande, l’élevage bovin est responsable de l’essentiel du méthane rejeté, ce qui constitue 1/4 des GES
  • moins rouler seul dans une voiture et éviter l’avion : les transports représentent un autre 1/4 des GES. Utiliser un vélo pour tous les déplacements possible avec ce moyen de transport (ça les lecteurs de ce blog et/ou adhérents de l’association le savaient déjà!)
  • moins consommer et recycler au maximum la matière de ses déchets. Cela consomme beaucoup d’énergie de créer un nouvel objet (un smartphone, une voiture, un vêtement, une éolienne…) et ça consomme beaucoup moins d’énergie de recycler du verre ou du métal que d’en faire à partir du sable ou du minerai. (nota : Les vélos sont facilement réparés ou recyclés !)
  • limiter les construction neuves, surtout en béton : la fabrication de ciment produit un bon 10 % des GES
  • isoler sa maison pour moins se chauffer l’hiver et moins climatiser l’été. Éviter l’habitat individuel si possible.

Pour plus de détails et de mesures, vous pouvez aller voir la charte que le groupe Alternatiba Martigues (dont fait partie notre association Les Vélos des Étangs) avait rédigée à l’occasion des récentes élections municipales : charte-alternatiba-martigues-municipales-2020Télécharger

Au niveau national (et international si on peut) il faut

  • d’urgence introduire un impôt sur le CO2, malgré les gilets jaunes, mais en faisant plus payer les riches que les pauvres.
  • (à mon humble avis) admettre que l’électricité nucléaire est un moindre mal. C’est une révolution pour moi qui ai longtemps été antinucléaire… Mais le stock d’uranium n’est pas infini, plutôt en espérant trouver autre chose, mais les énergies renouvelables actuelles (solaire, éolien…) ne sont pas une solution tant qu’on ne sait pas stocker l’énergie…
  • développer une agriculture moins dépendante du pétrole…

Post-scriptum

Pour ceux qui sont arrivés jusque là et veulent en savoir encore plus, je propose la vidéo suivante. Jean-Marc Jancovici est une référence sur le sujet et beaucoup des informations lues plus haut ont été tirées de ces conférences, dont beaucoup sont sur Internet, ou des travaux du Shift Project en général. Celle ci-dessous se termine en queue de poisson, mais elle est récente (début mars 2020) et tenue à Toulon avec un biais méditerranéen…