Il était grand et vert, repeint pendant la guerre par un vieux métallo ou quelque chose du genre. Selle brooks avec des ressorts, recelée aux puces à Amsterdam.

Freins : pas son point fort. Quand même j’avais changé les patins en gardant le cerclage d’origine, et réglé tout l’bazar. Ça freinait.

Par endroits le vert s’écaillait. Apparaissait alors le bleu ciel émaillé, sûrement çui d’origine. Les chromes yen avait pas remplacés par une rouille foncée et rassurante. Quand on a traversé la guerre, hein, et des années d’abandon apparent.

Trouvolé, je l’avais.

Dans une cour d’immeuble où il s’emmerdait ferme.

La roue libre engoncée dans une crasse épaisse et les pneus craquelés mais quand même bien costauds. D’époque ? Ya moyen, ouais ! Des Michelins avec le dessin comme les roues des deudeuches ! vas pas me dire que c’était des ersatz.

Je l’ai reluqué un an avant de me l’endormir, discretos. Un coup de pompe dans les boudins même pas crevés. Démonter remonter la roue libre et la chaîne je t’explique pas le travail, mais ça s’est fait. Toujours mieux que déposer la roue avant, dont l’axe était encerclé par les extrémités de la fourche, au lieu que celles-ci soient ouvertes pour une dépose facile. une bizarrerie antédiluvienne. Ce qui fait qu’il fallait jouer sur l’élasticité naturelle de l’acier pour écarter les deux bras et sortir tout en bloc. Heureusement il crevait jamais.

Le garde-boue avant tenait pas bien, ya un côté qui faisait « gling-gling » à tout boud’champ. Jamais réparé.

Et surtout, y’avait pas de poignées au guidon : intenable. Le tube d’acier était trop court, et rentrait dans la chair de la paume. J’ai acheté une mèche de 23mm, plus ou moins, chipote pas, elle je l’ai toujours (comme la selle d’origine d’ailleurs, ultime relique, une en cuir bien défoncée vite remplacée par la brooks sus-citée).

J’ai percé deux trous dans un chambranle de porte d’immeuble ramassé dans ma rue. J’ai coupé autour des trous, deux poignées mal dégrossies que j’ai retaillées au ciseau ou à la plane, je sais plus, puis à la râpe, finition, vernis petit poil, un coup de colle dans la fond et roulez jeunesse.

Il stationnait rue Jean Prévost dans le local à poubelles du 25, c’était mon vélo à Grenoble quand je venais en stop. La dernière fois que j’ai roulé avec c’était pour la Vélorution. C’est joli, ça, non ?

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Mais je savais bien, qu’un jour… à force que tout le monde le reluque yen a un qui sortirait les pinces pour se l’approprier. J’suis mal placé pour faire le jaloux : j’ai bien fait pareil.

N’empêche.

J’espère que c’est pour en prendre soin, parce que si c’est pour le revendre et faire du blé, là… là…

Mais c’est vrai… que ses poignées en bois lui donnaient l’air bourgeois.

Bernard.