Nota : Le présent article a sa copie dans mon blog personnel sur l’étang de Berre : celui-ci.

Le canal du Rove n’en finit pas de se dégrader, il a désormais un second bouchon. Il semble clair qu’il ne resservira jamais comme canal, et que personne ne croit vraiment aux projets de pompage d’eau de mer vers l’étang de Berre, pompage qui me semble d’ailleurs peu utile. Une nouvelle utilité serait bienvenue. Pourquoi pas la véloroute V65 ?

Le canal et le tunnel du Rove, et son inutilité actuelle

Le canal du Rove est un serpent de mer (c’est le cas de le dire…) de la réhabilitation de l’étang de Berre. Ce canal a été une liaison « aquatique » (avec mouvement d’eau) entre l’étang et la mer entre son inauguration en 1927 et 1963, mais il est bouché depuis. En effet en 1963 un effondrement a eu lieu dans la longue partie en tunnel (qui rend ce canal très étonnant) et comme il ne paraissait plus utile (la délocalisation du port de Marseille dans le golfe de Fos était programmée et le rendait obsolète) il n’a pas été réparé et se dégrade lentement depuis.

Pourtant ce canal est régulièrement cité comme une solution pour résoudre au moins une partie des « problèmes » écologiques de l’étang de Berre, notamment sa tendance à l’anoxie dans ses couches « profondes » qui s’installe plus ou moins gravement en été, surtout les étés chauds et sans mistral (ce qui n’a pas été le cas de cette année 2021).

Je n’ai jamais été convaincu de cette « solution », n’étant déjà pas complètement convaincu du problème. L’étang de Berre me semble être clairement en amélioration sur le long terme, même si la crise dystrophique de l’été 2018 a un temps tempéré mon optimisme.

Il n’en reste pas moins que régulièrement des politiques ressortent des plans pour pomper de l’eau de mer depuis le côté marseillais, à travers le bouchon, vers le côté étang. C’est notamment la proposition n°5 du rapport d’une récente commission parlementaire. Le débit varie selon les plans entre 4 m³/s et 20 m³/s et le budget du chantier entre 10 et 30 millions d’euros. Les frais de fonctionnement (il s’agit de pomper…) sont plus rarement évoqués et surtout personne ne semble vouloir les payer, ni l’État, ni la région, ni la Métropole MPM, ni le GPMM (le gestionnaire du canal) sur tout le temps (supposé long) où il faudrait pomper…

Bref cette « solution » ne m’a jamais semblé en être une. C’est un projet vaguement présentable au public mais auquel aucun organisme ou politique ne croit vraiment, mais auquel ils font tous semblant de croire.

Un second bouchon depuis novembre 2019

Quelle n’a pas été ma surprise de voir il y a quelques jours qu’un second bouchon obstrue le canal du Rove ! En 2019 un mouvement de terrain sur les berges a entraîné de gros travaux qui ont abouti à boucher le canal à un second endroit. Ce second bouchon se trouve dans sa partie aérienne, à environ 200 m de l’entrée du tunnel sur la commune de Marignane.

Photo prise depuis le second bouchon en regardant l’entrée du tunnel, très proche.
Ce nouveau bouchon fait environ 100m de long. Il est accessible par des engins en rive sud.
Vue depuis le bouchon en regardant vers l’étang

L’effondrement à l’origine des travaux qui ont abouti au bouchon actuel date de Novembre 2019. Je n’en avais pas entendu parler, même si j’ai pu retrouver quelques articles de presse (voir cet article de La Provence datant de l’effondrement, ou cet article de mars 2021 de Maritima Info pour la fin des travaux.

Il va sans dire que ce second bouchon augmente encore les coûts des projets de pompage d’eau de mer vers l’étang de Berre. Ces projets ont vraiment peu de chance de sortir un jour des cartons ou des discours.

Un ouvrage qui mériterait une seconde vie. Pourquoi ne pas y faire passer la V65 ?

Du coup c’est peut-être le moment de suggérer une autre fonction pour le canal et le tunnel, qui justifierait de les entretenir. En effet ce canal, surtout dans sa partie tunnel, est un ouvrage d’art colossal et remarquable. Le tunnel fait en effet 7km, en ligne parfaitement droite. Sa voûte fait 22 m de large et 11m de haut, merveilleusement cylindrique.

De plus, des deux côtés, des berges ont été construites, sans doute à l’origine pour le halage des péniches par les chevaux. Elles ont une largeur d’environ 2 m. Il y en a tout le long, à l’intérieur comme à l’extérieur du tunnel. Ces berges ont largement subsisté (80%) mais se sont effondrées parfois sur plusieurs dizaines de mètres, à l’intérieur du tunnel comme à l’extérieur. Ce sont ces berges qui pourraient être converties en véloroutes.

En effet, militant du vélo et aimant de plus en plus les vacances itinérantes par ce moyen, j’avoue rêver de voir passer la V65, un projet de véloroute qui fait partie du plan vélo national et qui doit relier Les Saintes-Maries-de-la-Mer et Nice (On l’appelle parfois aussi Azur-Camargue, j’en ai parlé en 2015 dans cet autre blog), par ce tunnel.

Schéma régional VVV de 2015, la V65 est la courbe violette qui longe la côte… mais encore seulement sur le papier

La V65 a bien avancé dans le Var, notamment sur les tronçons où d’anciennes voies de chemin de fer ont pu être réutilisées. Par contre dans les Bouches du Rhône, ça ne semble guère avancer (voir cet article de France 3 de 2019).

Pour la partie qu’on peut appeler Côte Bleue/étang de Berre, il faut chercher un itinéraire, ce que les services départementaux ou métropolitains font sans doute, mais je ne suis pas au courant. On peut sans doute leur faire des propositions.

Mon idée est d’utiliser les berges du canal, actuellement inutiles et délaissées au point qu’elles s’effondrent par endroit, pour y faire passer la véloroute V65.

Le bouchon du tunnel (celui de l’effondrement 1963) fait environ 150m de long. Une petite galerie (1,5m de large) a été creusée qui permet à un piéton (ou à un cycliste !) de le traverser. Le plus logique serait d’en faire une seconde afin que les cyclistes ne s’y croisent pas.

Photo prise dans la partie coté étang du bouchon, plus courte et donc plus claire.
La voûte en demi-cercle et son reflet forment un cercle parfait…
A l’endroit de la photo on voit en rive droite la berge en état correct, on pourrait y imaginer une piste cyclable, en rive gauche par contre on voit nettement qu’elle a disparu (effondrée) sur une cinquantaine de mètres.
Un autre exemple de l’état du chemin de halage dans le tunnel. On voit souvent de grande stalactites, très fines qui descendent de la voûte, et des stalagmites en formation, parfois une quinzaine de cm, sur le chemin. On en devine sur la photo.
Parfois le chemin de halage est recouvert de calcite.

J’accueille chez moi à Istres depuis 6 ans des cyclorandonneurs via le site Warmshowers.org. A moi seul j’ai du en recevoir une centaine. Beaucoup d’entre eux souhaitent aller sur Marseille, qu’ils viennent du Languedoc (EV8) ou qu’ils aient descendu la ViaRhôna (EV17). Il y a déjà une demande assez forte pour un itinéraire vélo sécurisé et original entre Martigues et Marseille.

D’autres itinéraires sont possibles, sans doute moins cher, mais emprunter le canal du Rove aurait de la gueule… et justifierait d’entretenir cet ouvrage patrimonial. Il aurait aussi l’avantage d’être plat, ce que beaucoup de cyclistes apprécient, surtout pour des balades en famille. Les familles ne traverseraient sans doute pas les 7 km de tunnel (qu’il faudrait éclairer un minimum côté mer du bouchon), mais pourraient aller jusqu’au bouchon.

Les véloroutes qui utilisent d’anciens chemins de halage sont innombrables. Pourquoi pas celui-là. Il serait vraiment très original…

L’itinéraire ci-dessous serait à mon avis possible :

De Martigues (à gauche de la photo) à l’Estaque (en bas à droite)
la photo aérienne sans le tracé pour comparer…

Conclusion

Convaincre les élus d’abandonner le pompage à travers le bouchon (et désormais LES bouchons) du Rove n’est à mon avis qu’une question de temps. Sans rien faire, et sans qu’ils ne le disent jamais, ce projet disparaîtra peu à peu, faute de partisans, comme jadis la « dérivation » (le prolongement des canaux EDF de l’eau de la Durance vers la mer).

C’est un peu un problème, car l’abandon clair du projet de pompage serait sans doute indispensable à un éventuel projet de passage de la V65 par le tunnel du Rove.

Le tunnel du Rove mérite un projet qui justifierait de l’entretenir. Y faire passer la V65 n’est pas le moins pertinent que j’ai vu passer. Et sur 100 projet au départ peu réalistes comme celui du présent article, je suis sûr qu’on finit par en réaliser quelques uns, alors pourquoi pas celui-ci ?