C’est très bien de proposer à nos adhérents des livres sur le vélo utile, mais c’est encore mieux de les lire ! Nous essaierons donc de faire ainsi régulièrement des articles sur les livres que nous proposons.

Nous commençons avec un livre que tout le monde ne pourra pas lire, car il est en anglais (il existe pour l’instant des traductions en allemand et polonais, mais pas encore (?) en français).

L’auteur : Mikael Colville-Andersen

Au départ c’est un photographe et blogueur, dont nous avons un peu parlé dans notre précédent article sur le Cycle Chic. Vers 2005, il s’est aperçu que sa ville, Copenhague, avait une spécificité encore méconnue : son importante avance sur la part de la population qui se déplace à vélo. Il s’est convaincu que ça venait d’une infrastructure mieux conçue qu’ailleurs qu’il était possible de copier ailleurs.

Il a monté une société de « design urbain » Copenhagenize Design Co. qui propose aux villes de les transformer pour le vélo à la manière de Copenhague.

Cette société a eu un beau développement et travaille partout dans le monde. En France elle a au moins travaillé avec Paris et Bordeaux. Cette société est parfois un peu controversée pour le classement qu’elle émet (le dernier date de 2019) des villes les plus cyclables du monde, où les villes clientes se retrouvent parfois à des places étonnantes. Il n’empêche que M Colville-Andersen a sur le retour du vélo dans nos villes un des discours les plus clairs que nous connaissons.

Le fond du discours n’est pas forcément très différent de celui d’un Frédéric Héran, auteur du Retour de la Bicyclette, que beaucoup d’entre nous ont lu et apprécié (et que nous avions conseillé à M Casado, et qu’il nous a affirmé avoir lu, mais sans que sa position sur le vélo ait évolué..) mais la forme est sans doute plus claire, et surtout plus concrète.

Enchaîner les conférences (voir ci-dessous) et les présentations aux clients oblige à clarifier son discours…

Le fond

J’ai personnellement acheté ce livre après avoir vu la vidéo suivante (40 minutes de conférence en anglais plutôt facile à comprendre, et 15 minutes de questions où on entend que les allemands ne sont pas forcément tous bons anglophones, ce qui rassure un peu…).

Si vous n’êtes pas anglophone, ce sera un peu dur de suivre mais pas impossible car les slides sont très claires. Les images du reste du présent article en sont majoritairement tirées (on les retrouve – plus ou moins – dans le livre mais c’était plus facile de les extraire de la vidéo).

En effet, le livre est plain de bonne images et le présent article se base donc sur les plus explicites d’entre elles :

Cette image indique que pendant tout le 20ème siècle, le problème des urbanistes a été « comment faire passer plus de VOITURES dans les rues », en repoussant les autres usagers aux marges (voire hors) de celle-ci. Mais que la question a poser désormais est « comment faire passer plus de GENS dans les rues », l’autosolisme fait que la voiture n’est en effet pas rentable de ce point de vue et ne devrait plus être encouragé. L’aménagement du bas de l’image fait passer 10 fois plus de gens que celui du haut…
Jusqu’à la guerre, il était assez simple de circuler dans les rues, ensuite les rues ont été adaptées à la voitures et les autres moyens de transports ont été, volontairement, rendus difficiles, voire dangereux. En tout cas il n’étaient plus privilégiés.
La tendance s’est inversée et on cherche de plus en plus à rendre les trajets en voiture plus difficiles, en rendant la priorité aux transports doux, ce qui peut aussi avoir comme conséquence de rendre la rue moins dangereuse.
La motivation des cyclistes urbains n’est pas majoritairement leur santé (19%), le fait que ce ne soit pas cher (6%) ou l’écologie (1%) mais le faite que ce soit pratique et rapide (56%). Si les gens trouvent que se déplacer à vélo est rapide, pratique et sûr, ils en font. Si les infrastructures sont là, la part modale du vélo décolle. On le constate partout dans le monde.
Les décideurs auraient tout intérêt à privilégier le vélo : plusieurs études ont montré qu’une infrastructure vélo est rentabilisée en quelques années, parce que les gens sont en meilleurs santé, et que les vélo détruisent moins l’asphalte, alors qu’une infrastructure routière supplémentaire n’est en général pas rentable, et au contraire entraîne des coûts supplémentaires à la collectivité, notamment par pollution par le trafic induit.
Même si la photo a été prise à Ljubjana (Slovénie), elle montre une infrastructure comparable à celle qu’on peut voir à Copenhague et que M Colville-Andersen conseille : piste cyclable unidirectionnelle assez large (2,3m !) et bien séparée du trottoir. Et il suffit parfois de revenir en arrière en regardant ce que les urbanistes d’avant-guerre avaient fait !
L’urgence climatique est là (voir notre article sur le sujet), et les villes ont un grand rôle à jouer…
Pour M Colville-Andersen, les gens souhaitent des villes plus sûre et apaisées, mais les élus sont souvent en retard sur cette évolution. L’activisme de ce point de vue est souvent bienvenu pour convaincre les élus, par des pistes temporaires, des fêtes sur les parkings etc… L’association américaine Better Block est typique de ce type de combat civique.

Bon le livre est beaucoup plus complet et explique (presque) comment sa société travaille et donne plein de clés, ce qui est étonnant pour un chef d’entreprise. Mais il se présente comme « un idéaliste qui a monté une entreprise », ce qui est peut-être vrai. Ce serait alors cohérent. Bon, c’est quand même aussi un outil de publicité pour sa boîte, mais ce n’est pas gênant : clairement le marché est énorme et sa boîte ne pourra transformer toutes les villes du monde.

Bon c’est aussi un livre très humain, il explique comment il a évolué lui-même : il a été renversé jeune par une voiture et a failli mourir, puis sa fille de 5 ans qui trouvait Copenhague pas adaptée à elle….

Il y a clairement de super idées à tirer de ce livre

  • L’attention que nous portons désormais aux « lignes de désir » (voir par ex cet article) est venu de M Colville-Andersen et il y a un chapitre dessus.
  • le problème des pistes bidirectionnelles en ville, qui sont clairement à proscrire et sont des fautes de débutants.
  • de bonnes réflexions du type « si une personne ne voit pas le vélo comme une solution, elle fait partie du problème » ou « quelqu’un qui sait combien pèse son vélo ne devrait pas être choisi pour plaider pour le vélo utile, quelqu’un qui sait combien de légumes ont peut porter sur un vélo, oui »

et la meilleure image est la suivante :

L’image ci-dessus se lit comme suit :

  • si la vitesse maximale autorisée est de 30 km/h ou moins, on peut mélanger les vélos et les voitures
  • autour de 40 km/h, il faut commencer à séparer les flux, mais on peut se contenter de bandes cyclables, et s’il y a des voitures garées, faire passer la bande à droite des voitures (côté trottoir)
  • si on augmente à 50-60 km/h les bandes doivent devenir des pistes, séparées physiquement de la chaussée et des trottoirs. Le mieux étant des pistes à mi-hauteur comme on voit dans notre article sur Copenhague et qu’on a reproduit ci-dessous
  • a partir de 70-90 km/h il faut séparer la piste de la chaussée par des bandes enherbées

On finit cette critique par un clin d’œil. A 30’12 » de la vidéo, et également dans le livre, M Colville-Andersen parle de Montréal, du trou dans le grillage que des cyclistes et des piétons de cette ville font régulièrement pour traverser une voie ferrée alors que la compagnie de chemin de fer refuse de créer un passage, du jeu entre la compagnie qui répare régulièrement les trous et du groupe Facebook qui explique où est le nouveau trou… Nos lecteurs qui ont fait Istres-Fos à vélo par l’ancienne route apprécieront.