Quelques degrés de liberté en plus pour les cyclistes

La ville de Sceaux est la première ville au monde à permettre aux cyclistes de franchir un feu même quand il est au rouge, après avoir cédé le passage aux piétons et aux voitures bénéficiant du vert, pour aller aussi bien à droite, tout droit ou à gauche.

Article du Parisien
Pascale Autran | 22 Mai 2016, 12h45 | MAJ : 22 Mai 2016, 12h46
À Sceaux, griller le rouge à vélo c’est permis
Les cyclistes peuvent désormais faire abstraction des feux (mais pas de la sécurité) à chaque croisement de la ville. Une première en France et une véritable vélo’rution !
Passer au rouge à vélo quand il n’y a pas de voiture, bien des cyclistes l’ont déjà fait... Mais à Sceaux, c’est désormais officiellement possible sur la quarantaine de carrefours que compte la ville. Une première en France, et même dans le monde à en croire la porte-parole de l’association MDB (Mieux se déplacer à bicyclette), venue samedi participer à la journée Vélo en ville qui lançait cette petite « vélo’rolution » : la généralisation du céder-le-passage au feu pour les cyclistes.

Un nouveau panneau a été installé sur les feux tricolores de la plupart des carrefours de la ville. Un triangle bordé de rouge, avec dessinés en jaune, un vélo et des flèches : selon les cas, quand le feu est au rouge, les cyclistes ont désormais le droit de s’engager pour continuer à rouler — en respectant les règles de priorité — à droite, tout droit et/ou à gauche.

« Un peu d’insécurité crée de la sécurité »
« On a regardé carrefour par carrefour et feu par feu pour déterminer dans quel sens ils pouvaient passer sans danger », explique le maire (UDI) Philippe Laurent, pas peu fier de présenter cette mesure-phare de son grand Plan vélo adopté lors du conseil municipal de mars dernier. « Il y a eu débat... reconnaît l’élu. Mais je suis persuadé qu’un peu d’insécurité crée de la sécurité : car tout le monde fait plus attention. » D’autant que la pratique existait déjà... « Beaucoup de vélos passaient déjà aux feux rouges, alors autant officialiser l’affaire, pour que tout le monde soit au courant et soit plus attentif » souligne l’édile.

Ce que dit la loi
Un décret du ministère des Transports, intégré au code de la route, permettait déjà depuis 2012 aux cyclistes de « griller » les feux rouges. Mais seulement pour tourner à droite, ou pour aller tout droit dans les carrefours en T. Et toujours en respectant la priorité des piétons et des voitures bénéficiant du feu vert. Une signalétique spéciale a été créée la même année. La mesure, qui existait déjà depuis plusieurs années dans des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, avait été testée dans plusieurs villes, comme Nantes, Bordeaux, Strasbourg et Paris, qui l’a généralisé depuis l’été dernier sur plus de 1 800 carrefours. Depuis un nouveau décret du 23 septembre dernier, les villes peuvent désormais autoriser aussi le « tourner à gauche ». Paris le teste depuis la semaine dernière dans le Xe arrondissement.

A Sceaux, où le maire est lui-même un fervent adepte de la petite reine, on encourage depuis longtemps la pratique du vélo. Les premières pistes cyclables ont été aménagées dès 1995, les rues sont passées en zone 30 en 2009, et, la même année, la ville était la première en France à généraliser le contre-sens cyclable dans les voies à sens interdit. La commune subventionne aussi l’achat de vélos à assistance électrique, développe la prévention dans les écoles avec le permis vélo et a créé, avec les établissements supérieurs présents sur la ville, le dispositif Sceaux Vélo Campus qui met des vélos à disposition des étudiants.

Autant de pratiques qui lui ont valu de recevoir le « Guidon d’or » de la Fédération française des usagers de la bicyclette. Une politique volontariste et assumée. « Avec cette nouvelle mesure, on donne un avantage énorme aux cyclistes, sourit Patrice Pattée, l’adjoint à l’urbanisme, lui-même fan de vélo. Je suis sûr qu’ils seront prudents, et ça va rappeler aux automobilistes qu’il faut maîtriser son véhicule ! »

« C’est une vraie chance »
« Ce matin, en passant au feu rouge, je me suis fait klaxonner ! Il va falloir que les automobilistes s’habituent », sourit Philippe. Ce professeur de biologie au lycée Lakanal, qui circule tous les jours à bicyclette, a participé aux ateliers citoyens qui ont préparé le plan vélo, et notamment cette petite révolution. « C’est une vraie chance que cela se fasse dans notre ville ! » Il en est sûr : « ça va faciliter la circulation ». Même si, il le reconnaît, la pratique existait déjà. « Je voyais souvent des cyclistes passer le feu, moi j’évitais, mais maintenant j’apprécie de pouvoir le faire de façon légitimée » sourit le sexagénaire. Pour lui, la cohabitation avec les automobilistes va vite s’améliorer : « Ils s’étaient déjà faits au tourner à droite, aux contresens cyclables… Il faut surtout que le cyclisme se développe : plus il y aura de vélos, plus les voitures feront attention ! »