Se lancer à vélo sous le regard d’un coach

 

Le Monde, 2 juillet 2012, Olivier Razemon

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Tous les prétextes sont bons pour se mettre au vélo : la santé, le porte-monnaie, voire l’avenir de la planète. Mais beaucoup n’osent pas. Se lancer dans la jungle urbaine, parmi les voitures, est souvent considéré comme risqué. Commentbraver la circulation lorsque la piste cyclable s’arrête brusquement ? Que faireface à un automobiliste klaxonnant furieusement ? Faut-il porter un casque ? C’est à ces questions que répondent, à Nantes, les coachs bénévoles formés par l’association Place au vélo.

"Il ne s’agit pas d’apprendre aux gens à monter sur une bicyclette, mais bien de les accompagner dans la circulation, pour qu’ils s’habituent à leur trajet quotidien",explique Loïc Boche, animateur salarié de l’association. L’opération, qui s’est tenue en juin, est encore confidentielle.

A Bruxelles, l’association Pro Vélo, soutenue financièrement par la région Bruxelles-capitale, organise chaque printemps une campagne appelée Bike Experience, qui rencontre un grand succès. De trente-sept participants en 2010, l’opération a séduit plus de deux cents adeptes pour sa troisième édition, au début du mois de mai.
Julie Koplowicz fait partie de ces motivés. Cette jeune femme vit à Laeken, au nord de Bruxelles, et, jusqu’en 2011, ne se déplaçait dans la ville qu’au volant de sa voiture. Lassée de cet objet "encombrant, polluant et pas très sportif", elle souhaitait "envisager d’autres moyens de transport", mais craignait de rouler en ville à vélo. La capitale belge, en partie bâtie sur des collines, n’est guère propice à la bicyclette. Les pentes y sont rudes et les pavés rebutent les cyclistes les plus téméraires qui doivent aussi éviter de glisser leurs roues dans les rails du tramway.

En mai 2011, Pro Vélo a présenté Mme Koplowicz à Isabelle Paternotte, comédienne de profession, qui vit à Jette, dans la banlieue nord-ouest de la capitale, et se déplace presque exclusivement à vélo. "J’apprécie le militantisme concret, citoyen, susceptible de changer vraiment la ville", explique le coach.

Avant de guider son "élève" dans les rues de la ville, Mme Paternotte s’est elle-même prêtée à une séance de formation. "J’ai dû faire un effort mental pour memettre à la place d’une personne qui n’a pas l’habitude du vélo", raconte-t-elle. Puis les deux femmes ont sympathisé au cours d’un pique-nique festif organisé par l’association. Pour l’occasion, chaque coach et chaque "biker", comme on appelle l’impétrant, ont reçu un sac. A l’intérieur, un plan du grand Bruxelles avec indication du relief, une présentation de la Bike Experience en français comme en néerlandais, ainsi qu’un gilet fluo.

 

CHANGER SON MODE DE DÉPLACEMENT

L’expérience dure trois jours. Chaque matin, le coach vient chercher l’apprenti à son domicile et accomplit l’itinéraire avec lui avant de le raccompagner le soir. MmeKoplowicz s’est sentie plus à l’aise qu’elle ne l’avait imaginé. "Je n’ai pas ressenti d’agression de la part des automobilistes. Finalement, la cohabitation se passe bien", témoigne-t-elle. Mme Paternotte a trouvé que la jeune femme s’en sortait correctement, même si "elle avait tendance, comme beaucoup de novices, àrouler discrètement, trop près des voitures en stationnement. Alors que les automobilistes respectent mieux les cyclistes lorsqu’ils les voient".

Afin de remplir l’objectif, fixé par la région, d’un taux de 20 % de Bruxellois à vélo en 2015, Pro Vélo cherche à convaincre des entreprises de participer à son opération annuelle. "Si les gens partagent la même destination, c’est plus facile à organiser", précise Nathalie Carpentier, salariée de l’association. Plusieurs employeurs, parmi lesquels la Commission européenne, le Parlement européen, le groupe Total ou l’Université libre de Bruxelles, se sont prêtés au jeu.

Toutefois, de nombreux "bikers" continuent à se présenter individuellement. La plupart d’entre eux, qui effectuent de courts trajets quotidiens, confient qu’ils en ont assez de perdre leur temps dans les embouteillages. "Nous sommes surpris par le nombre de femmes désireuses de changer leur mode de déplacement", souligne Mme Carpentier. La répartition linguistique, 70 % de francophones, 12 % de néerlandophones et 18 % d’anglophones, reflète la diversité de la capitale belge. A Nantes, Place au vélo n’espère pas faire autant d’émules dans un premier temps. Mais l’association prévoit déjà de renouveler l’opération en 2013 en cas de succès.

Sur le Web : Placeauvelo-nantes.fr et Provelo.org