Une pratique du vélo consolidée
Un atelier d’autoréparation de vélo rassemble en un lieu des bicyclettes, des pièces détachées neuves ou d’occasion, des outils, et surtout des personnes motivées pour aider les cyclistes à entretenir et à réparer leurs montures afin que ces dernières soient toujours en bon état pour prendre la route. Ainsi les adhérent·es des ateliers améliorent leur sécurité et leur mobilité, et moins de vélos sont jetés ou abandonnés.
Les ateliers représentent un service vélo local, dans un rayon de 5 km, dont la prise de connaissance se fait essentiellement par du bouche à oreille. Les adhérent·es fréquentent les ateliers régulièrement, ce qui signifie qu’en plus d’être un bon outil collectif pour promouvoir le vélo, les ateliers sont aussi des lieux importants de convivialité et de rencontres.
En bichonnant leur biclou, les adhérent·es participent à une réponse concrète aux enjeux environnementaux et sociaux : la réduction des déchets, la promotion des mobilités actives, la mutualisation des outils et des savoir-faire pour tous et toutes, la capacité d’agir sur la société et en société. On peut dire que les ateliers d’auto-réparation sont des initiatives citoyennes.
Avec une croissance moyenne du nombre d’ateliers de 20 % par an depuis 2009, ce sont, en 2016, 235 ateliers vélos qui ont permis à 79 000 personnes d’améliorer leurs connaissances dans l’entretien et la réparation de leur bicyclette [1]. Dans tout le pays, en ville comme à la campagne, des ateliers se créent et se coordonnent pour travailler ensemble sur leur territoire.
Une étude menée par l’Ademe en 2017 [2] conclue :
Si les ateliers d’autoréparation de vélos s’adressent principalement à des personnes déjà utilisatrices du vélo, leur intérêt pour la collectivité et pour la mobilité n’est pas à négliger. Les ateliers sont comme des maisons de vélo associatives pour les territoires qui ne pourraient pas financer un tel équipement public. En plus d’offrir un lieu pour les actes de maintenance et d’entretien des vélos, ils apportent un point de regroupement des cyclistes et des activités autour du vélo : actions en faveur des modes actifs, vélo-écoles, manifestations et campagnes de sensibilisation… Sans la présence d’un atelier d’autoréparation, ces autres contributions à la politique cyclable ne se réaliseraient peut-être pas. […] Aussi, il semble essentiel pour les collectivités de continuer à soutenir les ateliers d’autoréparation de vélos sur leur territoire.
Une économie circulaire du vélo
1,5 millions de vélos sont détruits chaque année en France, alors que 70% sont encore réparables. En organisant des collectes auprès des habitant·es, des bailleurs sociaux ou des déchèteries, les ateliers vélo tentent d’enrayer ce gâchis de matières premières en donnant une seconde vie à ces biclous ou en les démontant pour en récupérer les pièces. Ainsi, ils évitent des déchets, favorisent l’accès à un vélo pour toutes et tous et sensibilisent à l’acte de réparation auprès des acheteureuses de vélo.
Ce sont en 2016 450 emplois en équivalents temps-plein qui sont directement liés à ces activités, auxquels s’ajoutent plus de 3 400 bénévoles dans toute la France.
Un accès difficile aux locaux …
Malgré cette reconnaissance, les ateliers vélo participatifs rencontrent des difficultés du fait de leur fragile équilibre économique. Dans ce contexte, l’accès à des locaux décents devient une condition essentielle à leur existence. En effet, donner une seconde vie à des vélos et accueillir les usager·es dans de bonnes conditions nécessite un espace non négligeable : une zone pour réparer son vélo, une autre pour stocker les vélos en attente de réparation et les pièces détachées, une dernière pour la vie de l’association : bureaux, cuisine, etc.
En 2017, 39% des ateliers se déclarent insatisfaits de l’espace qu’ils occupent, et 37% ne sont pas satisfait de la pérennité de leurs locaux. Entre squat, bail précaire dans des bâtiments dégradés et location coûteuses, ils se désespèrent parfois de pouvoir exercer leurs activités dans de bonnes conditions.
Les exemples d’ateliers mal logés sont nombreux. À Lyon, l’atelier vélo du Chat Perché a déménagé 6 fois en 11 années d’existence et doit à nouveau chercher un lieu avant mars 2019, date de la fin de son bail actuel. À Bron, la P’tite Rustine fait face à des problèmes d’insalubrité : pas d’eau chaude, mauvaise isolement, défaut d’entretien du bailleur, système électrique instable et non sécurisé. À Clisson, l’atelier de Clisson Passion se déroule sous un préau en plein vent. À l’atelier vélo solidaire des Viennes à Sainte-Savine, une étagère tient lieu de bureau et tout bricolage nécessite de dégager auparavant l’espace en sortant dehors le stock de vélos collectés. À Villefontaine, les 9000 € de loyer annuel d’APIE - Osez Le Vélo nécessitent chaque année de demander des subventions qui ne sont pas garanties. À Cycle et Recycle à Rambouillet et à l’atelier vélo d’Aussillon, les ateliers se déroulent dans le garage d’un adhérent. À Lagny-sur-Marne, les mauvaises conditions de travail ne permettent pas à Marne et Gondoire à vélo d’embaucher un·e salarié·e. Aux Vélos des Étangs à Martigues, les réparations se font au deuxième étage avec un escalier très étroit.
L’exemple de Vélorution Toulouse, sans bail depuis 2012 et en procédure d’expulsion depuis 2015, est emblématique de cette lutte pour l’accès à des locaux décents. Après plusieurs années de lutte, le sort semble définitivement scellé ? Extrait de leur communiqué :
Le Jeudi 15 Novembre [2018] à 6h30, sans préavis, ce sont quatre camions de CRS et la police municipale qui viennent expulser Karim, notre salarié, hors de son lieu de travail et ferment derrière lui les portes du Labo en installant leur propre serrure gardée par deux agents de sécurité. Tall-bikes, swing-bikes, rosalies, tri-porteurs, tandems et tout notre bestiaire de biclous folkloriques se retrouvent donc kidnappés par les pouvoirs publics.
… qui n’est pas une fatalité
Une bonne coopération entre les pouvoirs publics et les ateliers vélo est pourtant possible, là où les élu·es ont compris les bienfaits de ces associations pour la collectivité.
À Paris, la mairie met à disposition de 4 associations cyclistes dont l’Atelier Vélorution Bastille, la Maison du Vélo, idéalement située dans le quartier central de la Bastille. Elle paie le loyer à un propriétaire privé, ainsi que les fluides, et cela constitue une subvention en nature très appréciable. La mairie et en particulier l’équipe de la mission vélo qui met en œuvre un plan vélo ambitieux 2015-2020, a le projet, grâce au regroupement des 4 premiers arrondissements et la libération consécutives de locaux, de proposer une maison du vélo plus spacieuse, accueillant davantage d’associations, et toujours proposant un atelier vélo d’autoréparation.
À Nogent-sur-Oise, la ville a mis à disposition de l’AU5V il y a deux ans un hangar inutilisé. Le toit est percé, il n’y a pas d’isolation, mais avec la fréquentation croissante de l’atelier situé au bout d’une impasse, ce lieu qui était une zone en déshérence, source de trafics en tout genre et de dépôts sauvages, est devenu plus sûr grâce à la fréquentation de l’atelier. À tel point que la municipalité a proposé de remettre en état la toiture. C’est un lieu d’échange et de conseil pour la mobilité des plus démunis qui revitalise un coin de ville à moindre coût pour la collectivité.
À Caen, l’ouverture de la Maison du vélo en 2013 a été soutenue par l’ADEME Basse-Normandie, la ville de Caen, l’agglomération Caen La Mer, le Comité départemental du Calvados ainsi que le conseil régional de Basse-Normandie. Celle-ci a permis un rapprochement géographique de l’atelier vélo porté par Vélisol, et offert une visibilité nouvelle des acteurs du village associatif, regroupés dans un bâtiment de 500 m² à proximité de la gare de Caen et du centre-ville. En 2014, la Maison du vélo est rapidement identifiée comme étant le lieu incontournable des cyclistes comme des futurs cyclistes de l’agglomération caennaise. Depuis, c’est plus de 20 000 visiteureuses qui franchissent la porte d’entrée chaque année.
À l’heure où l’utilisation des modes de transport motorisés est excessive et entraîne son lot de problématiques : pollution, congestion des villes, accidents, pauvreté, consommation de ressources non renouvelables, et où l’État annonce des mesures pour une transition énergétique plus respectueuse des êtres vivants et de l’environnement, L’Heureux Cyclage rappelle que les ateliers vélo ont montré leur pertinence et leur efficacité depuis des années [3]. Il est temps que leur bienfait pour la collectivité soit enfin reconnu. Cela commence par la mise à disposition de locaux décents, à Toulouse comme ailleurs en France.
Hommage à Olivier Théron
L’Heureux Cyclage a appris avec tristesse le décès le 20 novembre d’Olivier THÉRON, membre de Vélorution Toulouse et ancien administrateur de L’Heureux Cyclage. Ses prises de positions sans concession et son franc-parlé resteront dans nos mémoires, tout comme sa générosité et son soutien sans faille au mouvement vélorutionnaire.
Voici un message de Vélorution Toulouse :
Olivier est parti.....
Il était pour nous :
un ami, un compagnon, comme un frère, quelqu’un qui a tout donné,
un fou du vélo, un révolutionnaire, anarchiste, un adepte de vérité, de justice, de liberté,
un fondateur, un mentor, un instigateur, un enchanteur ou parfois tout le contraire, c’était aussi un grand caractériel....Son chemin n’a pas été sans souffrances. A la fin, dormir ne suffisait plus.
Il voulait partir dans une nouvelle vie...
Nous espérons nous y revoir et nous aimer encore.
Pour le voyage nous lui ferons un vélo.La Vélorution
Nous invitons celles et ceux qui souhaitent se recueillir avec nous à nous rejoindre :
- Dimanche 25/11/18 pour une veillée à 18h30 à La Chapelle, 36 rue Danielle Casanova.
- Lundi 26/11/18 pour les obsèques. Rendez-vous à 13h à l’hôpital Purpan puis cortège à vélo jusqu’au crématorium de Cornebarieu (10km). Crémation à 14h15 puis retour à La Chapelle pour une dernière rencontre autour d’un verre.
- Vendredi 30/11/18 masse critique à la mémoire d’Olivier. Départ à 19h de la place du Capitole.