Après 6 années à mobiliser les Repair Cafés autour de la planète, la journée internationale de la réparation débarque en France, animée par HOP et Make.Org Foundation. On ne peut que se réjouir que la thématique de la réparation perce enfin face à la montagne de déchets, de plus en plus électroniques, produits chaque année, et cela vaut particulièrement pour les vélo, de plus en plus électriques et « connectés ».

Le réseau L’Heureux Cyclage s’est mobilisé pour proposer des animations tout au long du week-end, puisqu’il nous semble qu’en matière de réparation, nous avons des choses à proposer et à dire.

Justement, l’organisation d’une matinée de lancement des Journées Nationales de la Réparation nous a permis d’expliquer notre démarche lors d’une table ronde intitulée « Dépasser les freins à la réparation pour les citoyen.ne.s » .

Après la présentation par l’eurodéputé David Cormand du « droit à la réparation » contenu dans le projet de législation « consommateur » de la commission européenne, nous avons saisi l’occasion de faire prendre un peu de hauteur au public. Face aux discours d’industriels qui ne se cachent plus d’être à l’origine du problème, mais insistent tout autant pour montrer qu’ils feront partie de la solution, il nous semblait nécessaire de porter une proposition sociétale bien différante.

Et de rappeler l’héritage de celles et ceux qui il y a déjà 50 ans, faisaient le constat d’une société au sein de laquelle la technique, et son corollaire, les produits de la société industrielle et de consommation de masse, constituait un ensemble systémique. Un « système technicien » malheureusement dénué du moindre pilotage démocratique et pris dans un emballement sans issue autre que l’effondrement de la vie sur terre.

Face à ce monopole radical et aliénant, l’alternative serait celle d’une société conviviale, qui passerait par la démocratisation de la technologie dans un contexte de décroissance.

L’innovation ne sera donc pas celle de la fuite en avant d’une société industrielle dans un progrès technologique de plus en plus contre-productif, mais celle qui constituera des outils de convivialité à travers une infrastructure spatiale, matérielle et sociale adaptée. Ces outils pour une société conviviale devront permettre la ré-appropriation des savoirs pratiques, à des fins d’autonomie et de créativité, plutôt que de limiter les relations entre individu.e.s au seul horizon de relations commerciales rendues inévitables de par la technicité des objets.

Autonomie (vélonomie), convivialité, ré-appropriation des savoirs pratiques, relations non-commerciales. Celles et ceux qui les fréquentent reconnaîtront ici le cœur du projet des ateliers vélo de L’Heureux Cyclage. L’objet n’est pas de proposer un service de réparation, mais de proposer de l’autoréparation. Il ne s’agit pas tant de réparer des vélos que de transmettre un savoir pratique de base nécessaire à toutes et tous, dès lors que l’on fait du vélo son moyen de déplacement quotidien.

Plus encore, le partage de matériel et de ressources vise à développer une économie collaborative à but non lucratif.

Il y a donc un monde entre un avenir low-tech, facilement accessible et réparable par toutes et tous, dans des lieux favorisant le lien social, la prise de soin et les rapports non marchands, et celui d’une économie circulaire purement lucrative, où l’on achètera des produits certes devenus réparables, mais par des seul.es spécialistes, laissant les consommateur.ices prisonnier.es d’une relation commerciale savamment entretenue par les industriels, garant de leur monopole technique.